Le 24 avril dernier, à la veille d'une réunion du conseil national du débat sur la transition énergétique, Laurence Parisot indiquait « L’Allemagne va investir 1.000 milliards d’euros d’ici 2030. En avons-nous les moyens ? ». Ce discours sur le coût et la compétitivité des énergies renouvelables visait à jeter le discrédit sur la transition énergétique. Relayée sans précautions par les médias, cette affirmation est-elle exacte ? Nous avons mené l'enquête.
Dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung du 19 février, Peter Altmaier affirme que « les coûts de la réforme de l'énergie et de la restructuration de l'approvisionnement énergétique pourraient s'élever à environ mille milliards d'euros d'ici la fin des années 2030 ».
De prime abord, beaucoup d'articles des quotidiens allemands mentionnent le fait que "dans l'entourage le plus proche du ministre, les experts n'arrivent pas à justifier le chiffre mentionné" et qu'il s'agit de toute évidence d'un "show" s'inscrivant dans la campagne électorale actuelle pour la réélection d’Angela Merkel.
Pour le ministre allemand de l’environnement, en période de restrictions budgétaires, l’enjeu est de faire baisser les dépenses de l’Etat en ramenant les subventions sur les tarifs d’achat des énergies renouvelables de 1,8 milliard d’euros à 1 milliard. « En 20 ans, ce serait une économie de 200 milliards d’euros qui serait réalisée », plaide le ministre.
Le calcul de Peter Altmaier...
- Coût de la réforme énergétique :
- Jusqu’à 2012, 67 milliards payés aux producteurs d’énergies renouvelables via les tarifs d’achats.
- Entre 2012 et 2022, 250 milliards déjà prévus comme soutien au tarif d’achat des énergies renouvelables.
- Soit 317 milliards déjà engagés
- Si l’on reste sur les niveaux de 2012, à savoir 1,8 milliards d’euros/an pour les nouveaux équipements (éolien, photovoltaïque), l’installation de nouveaux équipements s’élèverait à 360 milliards d’euro en 2032.
- Total= 677 milliards d’euros.
- Restructuration de l’approvisionnement :
- Avec les coûts liés aux chantiers de rénovation des réseaux ou au développement des capacités de stockage, on arriverait à 300 milliards supplémentaires d’ici 2030.
- 677 + 300 = 1000 milliards approximativement.
DESINTOX
Les énergies renouvelables sont-elles réellement un gouffre financier inabordable en ces temps de crise, comme le prétend le ministre Altmaier ?
La première critique à apporter, c’est qu’il n’y a pas d’élément de comparaison avec d’autres scénarios. Et donc pas de prise en compte des bénéfices attendus des énergies renouvelables par rapport à l’utilisation d’énergies fossiles et fissiles.
Selon le FÖS (green budget Germany), think tank allemand sur la fiscalité écologique qui s’appuie sur une analyse du ministère de l’écologie allemand (celui-là même que le ministre dirige actuellement), ce calcul ne résiste pas à l’épreuve des faits.
Sur le coût de la réforme par exemple, il faudrait aussi prendre en compte les « recettes », c’est à dire les investissements évités dans les énergies conventionnelles (effet de substitution) ainsi que l’effet de baisse du prix spot de l’électricité par les énergies renouvelables (le tarif d’achat subventionné fait baisser le coût de production global de l’énergie).
On arrive alors à 203 milliards d’euros de coût réel pour les renouvelables auquel il faudrait ajouter 362 milliards de recettes en externalités positives (diminution de la pollution et réduction des émissions de gaz à effet de serre). Soit un gain final estimé (et non un coût) de 159 milliards d’euros.
Sur les 300 milliards que coûteraient la rénovation des infrastructures ou le développement du réseau, là encore, le ministre ne prend en compte que les investissements à réaliser et non les bénéfices induits (économies réalisées, emplois créés). Par ailleurs, des investissements seraient à réaliser dans tous les cas pour remettre à niveau les réseaux..
Le plan d’Altmaier n’intègre pas non plus dans son calcul l’augmentation des prix des énergies fossiles ou le coût des subventions existantes dans les énergies fossiles et fissiles. En 2012, elles s’élevaient à 430 milliards rien que pour le charbon et le nucléaire…
On peut donc dire, qu’une fois de plus, le raisonnement d’Altmaier sur les énergies renouvelables est faux car il pêche par omission. Pour juger du coût et des bénéfices de la transition énergétique, il faut d’abord se placer sur le long terme et les comparer avec ceux des autres scénarios existants, notamment celui qui consiste à continuer comme avant... qui a lui aussi un coût.