facebook google + twitter twitter

L'actualité du débat

Le mythe d’une pause du réchauffement

Ce résumé est tiré du billet de Stéphane Foucart, journaliste au Monde, chargé des sciences de l’environnement paru le mercredi 9 octobre 2013 sur le blog éco(lo) d’Audrey Garric du monde.fr

"La raison pour laquelle il y a autant de climato-sceptiques, c’est qu’en matière de changement climatique, il faut dix secondes pour sortir une ânerie, et dix minutes pour expliquer pourquoi c’est une ânerie."

Depuis la sortie du rapport du GIEC, vous avez forcément entendu parler d’une pause du réchauffement climatique. En effet, depuis quinze ans, la température moyenne mondiale n’augmente plus, en dépit de la quantité toujours plus importante de gaz à effet de serre accumulés dans l’atmosphère. De là à affirmer que le réchauffement, c’est fini, il n’y a qu’un pas, à ne pas franchir !

Voici en effet cinq raisons pour lesquelles il faut relativiser cette « pause » :

1) Le "réchauffement climatique" ne se réduit pas à "réchauffement de l’atmosphère". En effet, seule une toute petite fraction de l’énergie lié à l’accumulation de gaz à effet de serre – environ 1 % seulement – réchauffe l’atmosphère. La fraction qui réchauffe le sol et fait fondre les glaces (banquise, calottes du Groenland et de l’ouest de l'Antarctique, glaciers d’altitude) est six fois plus importante. Tout le reste de l’énergie excédentaire – soit 93 % ! – réchauffe en fait les océans.

2) Une fois qu’on a précisé cela, oui, le "réchauffement de l’atmosphère" (soit 1 % du "réchauffement climatique") marque le pas si l’on prend comme période de référence les quinze dernières années. Le GIEC l'affirme de manière très claire dans son dernier rapport : la tendance au réchauffement de la basse atmosphère entre 1951 et 2012 à été d’environ 0,12°C par décennie tandis qu’entre 1998 et 2012, elle n’a été que de 0,05°C. Soit plus de deux fois inférieure à la tendance depuis le milieu du XXe siècle. Attention cependant. Prendre 1998 comme année de départ introduit un biais important : cette année a été marquée par un phénomène El Niño d’une intensité exceptionnelle. D’une manière générale, ce fameux ralentissement du réchauffement de l’atmosphère dépend essentiellement du choix des années de début et de fin de la période considérée.

3) Il y a en effet, d’une année sur l’autre, des fluctuations suffisamment importantes pour occulter, partiellement et momentanément, le réchauffement produit par les activités humaines.

En premier lieu, le jeu des courants marins du sud-pacifique. Si la phase chaude (dite El Niño) de cette oscillation climatique  fait grimper le thermomètre mondial, à l'inverse, la phase froide (dite La Niña) fait baisser ce même thermomètre. Or, la dernière décennie a été pauvre en événements El Niño et riche en événements La Niña (dont certaines très intenses).

D’autres éléments de variabilité naturelle interviennent : les aérosols volcaniques (refroidissants) et les variations cycliques du Soleil. (…) Une fois pris en compte les trois principaux facteurs de variabilité naturelle, la "pause du réchauffement de l’atmosphère"… disparaît.

4) Du coup, ou est passée l’énergie introduite en grande quantité dans la machine climatique, soit les 99% du réchauffement ?

La réponse se trouve dans la manière dont le système climatique – notamment par le truchement de la circulation atmosphérique, des courants marins – ventile et répartit l’excédent d’énergie qu’il reçoit (dans l’atmosphère, dans l’océan, les glaces, etc.) en fonction des "cycles" naturels ».

Certains chercheurs pensent que cette "énergie manquante" (cette expression est débattue dans la communauté scientifique, certains ne la trouvent pas pertinente) se cache dans l’océan profond. C’est notamment la thèse de Magdalena Balmaseda, Kevin Trenberth et Erland Källén qui ont ré-analysé l’ensemble des données disponibles sur la quantité de chaleur stockée par l’océan.

5) Si vous avez entendu parler de ce fantasmatique "arrêt du réchauffement", il est très probable que vous ayez également entendu dire que le GIEC "n’avait pas prévu la pause actuelle".

La réalité est que, jusqu’à présent, le GIEC n’a jamais rien prévu pour la décennie en cours, la capacité des modèles numériques à simuler les fluctuations climatiques à horizon de dix ou vingt ans étant sujette à caution.

Cette faiblesse est par ailleurs reconnue par les modélisateurs eux-mêmes (le cinquième rapport du GIEC procède à cet exercice de prévision décennale, mais le résultat n'a pas convaincu l'ensemble de la communauté scientifique).

Pour conclure, on peut dire que le réchauffement ne s’est pas vraiment arrêté depuis quinze ans.

« La fonte des glaces est plus rapide que jamais, les océans continuent à monter, de plus en plus de chaleur est stockée dans les océans. Ainsi, en l’état des connaissances, il faut plutôt s’attendre, dans les prochaines années, à une reprise à la hausse des températures de l’atmosphère, lorsque la variabilité naturelle du climat aura cessé d’amortir le phénomène ».