facebook google + twitter twitter

L'actualité du débat

La transition énergétique à petits pas

Faute de consensus et à deux mois de la remise des conclusions au gouvernement, quatre scénarios ont été posés le 23 mai sur la table du débat de la transition énergétique, certains faisant la part belle au nucléaire, et d'autres privilégiant une baisse forte de la consommation.

Lancé en novembre, ce débat voulu par le président François Hollande pour faire évoluer le modèle énergétique français et le rendre moins dépendant des énergies fossiles et du nucléaire, est entré dans sa dernière ligne droite.

Le financement de cette transition, les moyens de consommer moins d'énergie et notamment dans les secteurs du bâtiment et du transport, le choix des énergies renouvelables de demain, les transitions professionnelles... tous les sept groupes de travail ont désormais rendu leurs conclusions.

Lors de la réunion plénière du conseil national du débat sur la transition énergétique, tous les regards se sont portés vers les conclusions du groupe qui s'est attelé à l'analyse des scénarios sur le futur bouquet appelé aussi « mix » énergétique.

Les scénarios analysés ont été regroupés au sein de quatre "trajectoires" différentes allant de celle, baptisée "sobriété" de forte baisse de 50% de la demande d'énergie d'ici 2050 et de sortie du nucléaire, à une autre opposée (baptisé "décarbonée"), donnant la priorité à l'atome pour prétendument combattre les émissions de CO2 avec une réduction moindre (20%) de la consommation.

Deux autres trajectoires ont également présentées ; l'une, nommée "efficacité", retient une baisse de 50% de la demande globale, mais un rôle accru de l'électricité. Et une autre ("diversité") basée sur une baisse de 20% de la demande, avec une taxe carbone, prévoit le remplacement partiel du parc nucléaire.

photo_1369317380704-2-0

Quid de la trajectoire retenue ?

Le cadre du débat avait été fixé lors de la conférence environnementale : Les scénarios analysés doivent s'inscrire dans le cadre des engagements de la France, notamment en matière d'émissions de gaz à effet de serre (en particulier la division par 4 des émissions en 2050), de développement des énergies renouvelables et de réduction de la consommation d'énergie). Ils doivent aussi respecter le cap fixé par le Président de la république, c'est-à-dire la baisse de la part du nucléaire dans la production d’électricité dans notre pays de 75% à 50 % en 2025.

Mais, une alliance inhabituelle entre le MEDEF et certains syndicats, défendant les intérêts des grandes entreprises actuelle de l'énergie, a continuellement remis en cause ce cadre, bloquant toute avancée.

L'avenir du nucléaire en France et la nécessité ou non de diviser par deux la consommation énergétique totale en 2050 pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ont été les deux pommes de discorde, ont aussi expliqué a responsable du réseau Energie de FNE Maryse Arditi et le représentant du secteur français de l'électricité Robert Durdilly, qui pilotent ce groupe de travail.

"Si nous gardons le nucléaire, et même comme certains le préconisent, nous augmentons le nucléaire, avec le gaz de schiste, la seule chose que je peux vous dire, c'est qu'il n'y a pas de dénouement heureux. C'est une trajectoire suicidaire", a mis en garde Nicolas Hulot.

A ce sujet, Greenpeace, qui boycotte le débat, a accueilli jeudi matin les membres du Conseil national du débat avec une banderole de 30 mètres : "les yeux dans les yeux, le débat est-il complet ?", estimant que le risque nucléaire et son coût réel étaient escamotés dans les discussions.

Le consensus s'est donc limité à la proposition d'une "étude pluraliste de faisabilité" pour atteindre l'objectif présidentiel de 50% de nucléaire en 2025, ainsi qu'une étude complémentaire de la Cour des Comptes pour réduire les écarts toujours importants d'estimations du coût total du nucléaire.

"Les scénarios que le gouvernement retiendra sont ceux qui respectent les engagements internationaux et européens et l'engagement du président de la république sur le nucléaire", a toutefois rappelé la ministre Delphine Batho, qui a aussi réaffirmé la volonté du gouvernement de fermer la centrale de Fessenheim.

Mobilisation au CNDTE

La compétitivité répétée à l'envi

Une fois de plus, c’est sur la compétitivité que le débat dérive inévitablement, sous l’impulsion du MEDEF. Par ce mot magique, répété à l'envi, les entreprises essaient de laisser entendre que le seul problème, c'est le prix de l'énergie, et que les solutions sont l'exploitation des gaz de schiste et le prolongement de la durée de vie des centrales nucléaires.

Elles passent sous silence le fait que le prix de l'énergie augmentera dans tous les cas et qu'il est plus rentable de miser sur les solutions d'avenir, la réduction de la consommation d'énergie et les énergies renouvelables, plutôt que sur des solutions de court terme qui génèreront de nouvelles pollutions et donc de nouveaux coûts.

" C’est en se fixant des objectifs ambitieux que nous développerons des technologies et des filières qui feront notre croissance durable et nous donneront un avantage économique. C’est aussi cela, préserver la compétitivité de notre industrie », a au contraire rappelé lors de son audition Nicolas Hulot pour qui « l'éco-efficacité est l'un des principaux facteurs de compétitivité ».

Les scénarios ambitieux se rentabilisent en moins de 15 ans et permettent même d’économiser jusqu’à 145 milliards d'euros par an sur la facture énergétique en 2050.

Par exemple, pour le scénario proposé par l’ADEME, ces investissements sont de plus de 8 milliards d'euros par an à l’horizon 2020 et plus de un milliard d'euros par an en 2030. Et ils permettent de gagner, toujours par rapport à des scénarios peu ambitieux, 5 milliards d'euros par an sur la facture énergétique en 2020 et 10 milliards d'euros par an en 2030.

Et encore, ce bilan très positif ne prend pas en compte les effets d’entrainement, grâce à la réduction des consommations d’énergie ou aux emplois créées ou sauvegardés. Les études macro-économiques présentées au cours du débat convergent d’ailleurs sur des gains d’emplois potentiels très positifs, avec, pour les scénarios les plus ambitieux, 630 000 emplois supplémentaires en 2030 selon le CNRS si on met en œuvre le scénarios négaWatt et 740 000 emplois supplémentaires en 2050 d’après l’OFCE et l’ADEME.

Delphine Batho elle-même s’est dite surprise des réticences de syndicats et d'entreprises sur l'efficacité énergétique. "Certains voisins européens se sont fixés un objectif de réduction de 50% de la consommation d'énergie en se focalisant sur l'innovation. Le choix de l'efficacité énergétique est un choix de croissance économique."


Les jeudis du débat : Rencontre avec Nicolas... par developpement-durable

Des avancées sur le financement

Enfin, sur les financements, des propositions ambitieuses ont été mise sur la table. Parmi elles, on peut citer

  1.  la mobilisation d’une plus grande part de la collecte de l’épargne réglementée (LDD et livret A) au profit du financement d’investissements de la transition énergétique ;
  2. Faire de la Banque publique d’investissement (BPI) un outil central du financement de la transition énergétique pour nos entreprises, via une doctrine d’intervention renforcée et des financements supplémentaires dédiés ;
  3. Favoriser le développement des circuits courts de financement sur les territoires ; Disposer rapidement d’un financement dédié à la rénovation énergétique, un « KfW à la française » ;
  4. Etudier la création d’une Société de Financement de la Transition, nouveau dispositif qui permettrait notamment de relancer les investissements, financer à bas coût les projets des acteurs publics ou des énergies renouvelables.
  5. Etudier l’opportunité de création d’un fonds public indépendant, géré par la Caisse des Dépôts et Consignations, dédié au démantèlement du nucléaire, et son affectation au financement de la transition énergétique
  6. Instaurer une fiscalité écologique au service de la transition énergétique

Il reste donc un peu moins de deux mois pour parvenir à une série de recommandations qui ne ressemble pas à une liste de divergences.

"Où il n'y a pas de compromis, il faudra que le gouvernement prenne des décisions avec le Parlement", a rappelé Delphine Batho.

C'est donc bientôt l’heure des choix pour le gouvernement. Il faudra qu’il soit ambitieux. Qu’il porte une vision et prenne des décisions courageuses.

"L’immobilisme n’est pas la solution. C’est aussi la crédibilité de la France qui se joue", a déclaré Nicolas Hulot.