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L'actualité du débat

Débat sur la transition énergétique : le chemin reste long !

Face à l'immobilisme de certains acteurs du débat, la transition énergétique, pourtant portée par les citoyens, s'est vidée d'une partie de sa substance. Les ONG et associations attendent maintenant du gouvernement qu'il prenne ses responsabilités et engage la France vers l'avenir.

 « Il faut saluer la qualité du processus qui a permis à tous les points de vue de s'exprimer. Des consensus existent, mais il demeure des divergences et c'est normal. Le principal est que tous les partenaires soient restés dans la barque ». Philippe Martin a beau essayer de faire bonne mesure, le bateau a quand même sérieusement tangué.

 Le matin même, le Medef a menacé de claquer la porte du débat, s’il devait endosser ce qui aurait pu paraître comme des mesures consensuelles.

 Après neuf mois de travail, le conseil national du débat sur la transition énergétique s’était réuni pour rendre ses conclusions. Il n’a finalement accouché que d’une « synthèse »(1), et non de recommandations, qui ne précise que les « enjeux » principaux.

Le poids des lobbies du nucléaire et des gaz de schiste

D’une manière générale, les ONG et associations regrettent en effet que, du fait de leur implication dans de grandes entreprises de l'énergie, certains acteurs du débat se soient constamment opposés à une transition énergétique s'appuyant sur la réduction de la consommation d'énergie et le développement des énergies renouvelables.

Le MEDEF et certains syndicats ont, par exemple, systématiquement remis en cause les engagements du Président de la République en matière de nucléaire (réduction de la part du nucléaire à 50% en 2025) qui constituaient pourtant un pré-requis du débat. Pire, le document de conclusions fait même référence aux gaz de schiste... pourtant hors sujet de la transition énergétique.

Face à cette opposition, le débat aboutit uniquement à la recommandation de réaliser une étude pluraliste de faisabilité pour préciser les trajectoires permettant d’atteindre les engagements du Président de la République en matière de nucléaire... ce qui était en partie l'objet du débat.

 

Une remise en cause des engagements de la France ?

Par contre, une grande avancée a été de clarifier les chemins possibles d’ici 2050 pour que la France respecte ses engagements en matière de réduction des gaz à effet de serre.

Parmi tous les scénarios prospectifs mis sur la table, il est en effet apparu que seuls ceux de l’ADEME, de Négawatt et de GrDF permettaient de diviser par 4 nos émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, le principal enseignement étant que pour cela, il est impératif que nous divisions par deux nos consommations énergétiques sur la même période par rapport à 2010.

Mais là encore, les mêmes lobbies des énergies fossiles et nucléaires, pour lesquels la sobriété et l’efficacité énergétique ne constituent pas une priorité, ont obtenu que cette conclusion forte du débat soit affaiblie dans la synthèse finale qui se contente de mentionner l’absence de consensus sur le sujet et donc ne donne aucun objectif chiffré en matière d’économie d’énergie.

Des avancées à confirmer dans la rénovation des bâtiments

La rénovation des bâtiments, enjeu essentiel de la transition énergétique, donne lieu à des propositions intéressantes, que ce soit sur les performances attendues, les outils techniques, les formations ou encore le cadre financier. Le document introduit même une obligation de travaux aux grands moments de la vie des bâtiments, ce qui était une demande forte des ONG et associations pour atteindre les 500 000 logements rénovés par an. Par ailleurs, la précarité énergétique a bien été traitée avec des objectifs et des actions spécifiques.

Il reste maintenant à voir la mise en œuvre de ces recommandations. Le gouvernement pourrait acter dès maintenant de sa volonté en sortant un décret sur la rénovation dans le secteur tertiaire attendu depuis des mois.

La mobilité et les transports traités à la va-vite

La seule avancée concerne le lien qui est enfin clairement affiché entre mobilité et aménagement du territoire, avec la nécessité soulignée de lutter contre l’étalement urbain pour réduire les déplacements contraints.

Mais sur la question des infrastructures, le débat s'est fait doubler par la commission Mobilité 21 qui propose d’investir pour renforcer le réseau ferroviaire existant... mais également pour plusieurs projets de nouvelles routes et autoroutes, ceci sans discussion au sein du débat national sur la transition énergétique.

Exit également les objectifs du Grenelle : réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre dans les transports d'ici à 2020 et faire évoluer la part modale du non routier et non aérien de 14% à 25% à l'échéance 2022. Nous sommes donc bien face à une reculade.

Au-delà des belles déclarations d’intention sur la rénovation et l’optimisation des infrastructures existantes et le développement des transports collectifs, la synthèse avance peu de propositions concrètes, hormis la réduction des vitesses après étude d’impact.

 

Des moyens financiers à mobiliser

Si la transition énergétique représente un coût, principalement sous forme d'investissements, ne rien faire serait encore plus coûteux du fait, entre autres, des impacts des changements climatiques, des pollutions locales et du vieillissement du parc nucléaire.

Les investissements dans la transition énergétique auront par ailleurs l'avantage de créer plusieurs centaines de milliers d'emplois en plus que de continuer comme avant. Et ils nous permettront de rééquilibrer notre balance commerciale. Ce sont donc des investissements utiles et nécessaires.

Alors que le Grenelle avait échoué sur les moyens, le débat ouvre certains pistes intéressantes, mais sans donner de chiffrage : mise en place d'une contribution climat-énergie, création d'une banque de la transition (KfW à la française), renforcement des moyens de la BPI alloués à la transition énergétique, meilleure utilisation de la collecte LDD et livret A, renforcement du fonds chaleur...

En revanche, la synthèse finale, si elle évoque une mesure très concrète qui pourrait être mise en œuvre rapidement - le rattrapage de la fiscalité du diesel sur l'essence – elle indique uniquement que la question a été traitée, mais qu'il n'y a pas consensus. Quant aux exonérations totales ou partielles des taxes en faveur des modes de transport polluants (TIC pour transporteurs routiers, kérosène aérien, etc.), elles ne sont même pas évoquées.

Cette synthèse sera remise au gouvernement et au Président de la république lors de la conférence environnementale le 20 septembre. Elle doit alimenter le projet de loi sur la transition énergétique, qui devrait être présenté au Parlement au début de l'année 2014.

Pour les ONG et associations, le chemin reste long pour aller vers une loi qui reprendra les quelques avancées de la synthèse du débat, mais surtout permettra d'aller plus loin et de répondre vraiment aux enjeux des changements climatiques, d'une plus grande indépendance énergétique et d'un système plus sobre, plus équitable, plus résilient et respectueux de l'environnement.

 (1) Le document final du débat : Synthèse DNTE 18 juillet 2013-2