Hier, le président des Etats-Unis a annoncé son plan de lutte contre le changement climatique. Il y annonce des investissements dans les énergies renouvelables pour alimenter 6 millions de maisons en 2020, des normes pour réduire la pollution des centrales à charbon et des poids lourd, des efforts pour limiter le gaspillage énergétique des foyers américains.
Voir le plan d’action en infographie
Le plan a été salué par la plupart des ONG environnementales qui y voient un signal que le changement climatique sera une priorité politique pour ce mandat présidentiel.
Le président a fait preuve de courage politique.
Le discours d’Obama se positionne clairement sur la réalité du réchauffement
planétaire et son impact mondial et sur les USA.
Il envoie un signal fort aux investisseurs comme quoi ils ont le soutien des pouvoirs publics pour investir dans la lutte contre le changement climatique et la transition énergétique. Il envoie par la même occasion un signal aux lobbies et intérêts privés surpuissants aux Etats-Unis et opposés à l’action climatique comme quoi ils se trompent et que investir dans la lutte contre les changements climatiques est bénéfique pour l’économie nationale.
Obama a aussi annoncé ne plus financer de centrales à charbon dans les pays en développement – excellente nouvelle à condition qu’elle soit assortie d’investissements accrus dans les énergies renouvelables dans ces mêmes pays.
En ce qui concerne le projet Keystone qui doit transporter des sables bitumineux du Canada vers les raffineries des côtes américaines : dans son discours, Obama a laissé entendre qu’il ne l’approuverait pas s’il avait des conséquences fortes sur le climat. C’est pour nous un acte courageux de confronter aussi directement l’industrie des énergies fossiles et nous espérons qu’il tiendra cet engagement.
Toutefois ce plan est largement insuffisant au regard des besoins à fournir pour maintenir le réchauffement sous un seuil acceptable.
Il n’y a pas grand chose de nouveau ou d’additionnel par rapport à des engagements pris par ailleurs : efficacité énergétique dans les bâtiments, fin des HFC, etc.
Le plan alloue 8 milliards de dollars aux "énergies fossiles avancées" iront financer des projets de capture et séquestration du carbone, des projets de gaz de schiste, et autres. Soit toujours et encore des énergies fossiles.
L’engagement pris de doubler la production d’électricité à base d’énergie renouvelable n’est pas spectaculaire – c’est un rythme de développement plus faible qu’au cours de son premier mandat.
Il ne fait que réaffirmer l’objectif faible de réduction de 17% des émissions par rapport à 2005 fixé à Copenhague, soit moins de 3% par rapport à 1990 (à titre comparatif, les européens se sont engagés à réduire leurs émissions de -20% par rapport aux niveaux de 1990 et leur engagement est également trop faible !).
Le plan parle aussi d’appui financier aux pays les plus pauvres. Mais cet appui risque de prendre la forme de financements privés et pour le secteur privé, c’est déjà le cas dans leurs engagements existants. Par exemple, les Etats-Unis ont comptabilisé dans leurs financements "climat" un projet où le pays a fourni 70 million US$ en assurances et prêts à une compagne américaine pour construire des centrales de co-génération pour Coca Cola au Nigeria... Sans compter que le gouvernement américain mène une politique schizophrène en matière d’investissements à l’étranger. En 2012, l’agence de crédits à l’export américaine (EXIM) a financé 721 million de dollars en énergies renouvelables mais 9,6 milliards de dollars en fossiles, soit 13 fois plus. Donc arrêter de financer les centrales à charbon "sauf là où il n’y a pas le choix" ou "là où il y a des possibilités de CCS" dans les "pays les plus pauvres" c’est bien mais cela reste flou et ca n’est qu’un petit bout du chemin à parcourir.. !
Sans plus d’ambition des Etats-Unis – 2ème plus grand émetteur de GES mondialement - il est difficile de parler du « leadership international » des américains dont parle Obama dans son discours. Et il sera encore plus difficile de négocier un accord mondial à Paris en 2015. Les pays en développement refuseront d’entériner un accord qui ne permet pas réellement de lutter contre le changement climatique et fragilise un peu plus leurs populations.
Une note d’espoir ?
Obama sait la nature des efforts à fournir pour limiter sérieusement le changement climatique. Il sait aussi l’urgence de le faire. Dans son discours hier, le président a bien illustré les impacts sur l’économie et la population américaine : les pertes humaines et financières liées aux évènements extrêmes sont de plus en plus élevées. Les assureurs ont à plusieurs reprises lancé des cris d’alarme. La ville de New York a aussi chiffré le coût de son plan d’adaptation à 20 milliards de dollars. Il y a de quoi réviser l’analyse coûts-bénéfices de lutter rapidement et sérieusement contre le changement climatique.
Nous espérons qu’il compte donc aller BIEN PLUS que son plan actuel dans les deux prochaines années. Affaire à suivre de très près.