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L'actualité du débat

Transition énergétique : une conférence environnementale en demi-teinte

Un an après le lancement du débat national sur la transition énergétique, le Président de la république et le Premier ministre ont rappelé le cap fixé et annoncé quelques mesures qui vont dans le bon sens. Mais ils ont également laissé de nombreuses questions en suspens.

 

François Hollande a mis en avant la sobriété et l'efficacité énergétique en fixant un objectif de réduction de la consommation d'énergie de 50% en 2050. Pour autant, ce point positif est contrebalancé par le manque d'objectif annoncé en matière d'efficacité énergétique pour 2030 dans le cadre du paquet climat énergie européen. Les organisations européennes estiment qu'un objectif de 40 % serait bon (consommation inférieure de 40 % au tendanciel). Que veut dire un objectif long terme si les jalons pour y parvenir ne sont pas positionnés ?

 

Pour juger de la réelle volonté politique d'aller vers une réduction de la consommation d'énergie, il est nécessaire de regarder les mesures concrètes annoncées dans les secteurs les plus consommateurs. L'objectif de 500 000 rénovations de logements par an en 2017 est réaffirmé et des mesures sont proposées : baisse de la TVA, obligation d'isolation lors de certains travaux, création d'un fond de garantie... Dommage qu'il n'y ait pas d'objectif de performance énergétique associé à ces outils, avec le risque de faire les travaux à moitié. Le débat sur la transition énergétique avait pourtant abouti à un consensus sur le niveau BBC (bâtiment basse consommation) en une ou plusieurs étapes. Par ailleurs, le Premier ministre a évoqué la création d'un passeport rénovation pour faciliter l’accompagnement des ménages par les opérateurs d’énergie dans leurs démarches d’audit et leurs projets de travaux. Si un carnet de santé du bâtiment est un document qui pourrait être utile, il doit être réalisé par un organisme indépendant et ne pas dépendre des fournisseurs d'énergie toujours enclins à prescrire leurs propres solutions.

 

L'autre volet important en matière de réduction de la consommation d'énergie est la mobilité et les transports. Ici, les déclarations d'intention sur la baisse des besoins de mobilité et la limitation de l'étalement urbain n'ont pu masquer le manque de propositions concrètes. Pas d'annonce sur une réelle réorientation des infrastructures de transports (le routier et l'aérien ont encore de belles années à venir), rien sur la baisse des limitations de vitesse ni sur une baisse de TVA sur les transports en commun. Le seul axe proposé est le développement du véhicule essence consommant 2L/100 et des voitures électriques, sans que cela ne s’inscrive dans un projet de baisse de la consommation de tous les véhicules individuels. Par ailleurs, le rattrapage de la fiscalité diesel sur celle de l'essence n'a pas été évoqué.

 

Enfin, la précarité énergétique a été la grande oubliée des discours de F. Hollande et J.M. Ayrault : il y aura certes des ambassadeurs de l'énergie pour détecter et accompagner les ménages en difficulté, mais si aucun bouclier énergétique n'est proposé pour leur permettre de payer leurs factures d'énergie et les dispositifs pour isoler leurs logements ne sont pas à la hauteur. Ces ménages seraient alors les exclus de la transition énergétique.

Sur le volet production,
les énergies renouvelables ont été mises en avant, mais avec une remise en cause à demi-mots des tarifs d'achat et le message d'une concentration des projets et financements au profit des grosses entreprises. Pour F. Hollande, « le tarif de rachat garanti ne permet pas toujours de réguler au mieux et d’orienter correctement la production ». Pour lui, « les modes de soutien aux énergies renouvelables doivent être revisitées, de façon à ce que chaque euro sur la facture des consommateurs soit le plus efficace possible et favorise la création de champions industriels nationaux ». On peut donc craindre une révision de la politique tarifaire en direction d'EDF ou GDF Suez, au détriments des acteurs territoriaux : PME, collectivités locales et citoyens. La vision très centralisée de l'énergie est celle qui perdure. Et la fixation d'un objectif d'énergies renouvelables au niveau européen dans le paquet climat énergie 2030, pourtant indispensable pour donner aux acteurs économiques la visibilité nécessaire pour investir, semble reportée sine die.

 

Le Président de la république a par ailleurs rappelé ses engagements concernant le nucléaire : Fermer Fessenheim d'ici fin 2016 et réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2025. Il a annoncé la reprise en main par le pouvoir politique de la fermeture de centrales, pas seulement pour des raisons de sûreté mais aussi de politique énergétique. Mais il n'a pas dessiné la trajectoire pour parvenir à ces objectifs. Il a également indiqué que la future loi de programmation sur la transition énergétique posera le principe d’un plafonnement à son niveau actuel de notre capacité de production nucléaire. Souhaite t-on aller vers un plafonnement ou une réduction ? Enfin, le Premier ministre a annoncé qu'une partie des gains financiers perçus sur le parc nucléaire existant, pendant toute la durée de vie restante de nos centrales, serait mobilisée pour la transition énergétique. Tout laisse à penser qu'il ne s'agira pas d'une taxe supplémentaire, mais uniquement d'une affectation des dividendes versés par EDF à son principal actionnaire vers la transition énergétique. Un moyen de chercher à faire accepter une prolongation de la durée de vie des centrales ?

Les financements seront justement l'un des enjeux clés de la transition énergétique. L'annonce la plus forte dans ce domaine a été celle de la création d'une « assiette carbone ». Une partie des actuelles taxes intérieures de consommation sera établie en fonction des émissions de CO2. Cela concernera l’essence, le gazole, le charbon et la houille, le gaz naturel ainsi que le fioul lourd et domestique. Cette taxe, qui aura un effet quasiment nul en 2014, rapportera 4 milliards en 2016. Il est regrettable qu'elle ne s'applique qu'aux émissions de CO2 et pas aux autres gaz à effet de serre, qu'elle ne touche pas l'électricité non renouvelable et souffre de multiples exonérations totales (kérosène, transporteurs routiers, etc.) avant même sa mise en oeuvre. Par ailleurs, les montants collectés restent faibles, d'autant qu'une grande partie pourrait être affectée au financement du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) qui n'a rien à voir avec la transition énergétique. Enfin, aucune annonce n'a été faite sur les mesures de compensation pour les ménages les plus précaires pour lesquels une taxe supplémentaire n'est pas supportable sans compensation et accompagnement vers l'efficacité énergétique.

Les décisions sur les autres outils de financements sont reportées après l'organisation au printemps prochain d'une conférence bancaire et financière de la transition énergétique.

Les collectivités locales ont occupé une place bien légère dans les discours  : F. Hollande a évoqué un
droit à l'expérimentation pour les collectivités. Mais quid des compétences et du lien entre transition énergétique et décentralisation ? J.M. Ayrault a quant à lui indiqué que les nouveaux contrats de plan Etat/régions, en cours de négociation, comporteront un volet "transition énergétique et écologique". Une annonce qui va dans le bon sens, mais dont il faudra mesurer les effets sur le terrain.

 

En résumé, quelques objectifs intéressants et des confirmations d'annonces antérieures, peu d'annonces nouvelles et des précisions qui sont attendues dans le futur projet de loi de programmation sur la transition énergétique qui sera présenté au parlement avant l'été et voté avant fin 2014. C'est un retard de plus de 6 mois par rapport au calendrier initial qui a été acté. Ce retard serait acceptable si les travaux à venir sont menés de façon pluraliste et transparente et si le projet de loi a un caractère réellement à la hauteur des enjeux. Nous ferons nos propres propositions et resterons vigilants !